Il s’appelait Prince Jerry, vingt-cinq ans, licencié en chimie au Nigeria et inscrit à l’Université de Gènes en Italie. Le 28 janvier le jeune homme s’est jeté sous un train après avoir reçu l’annonce du refus du titre de séjour pour protection humanitaire qu’il attendait. Il avait bravé sa nation qui lui avait certainement rendu la vie impossible – il avait bravé les ondes tragiques de la Méditerranée (puisque que c’est par là qu’il était entré en Italie) – Il avait pu reprendre son parcours académique. On aurait pensé, à raison, que le plus dur était fait, que Jerry avait enfin trouvé la Terre Promise. Mais hélas, pour lui, certes, beaucoup avait été fait, mais le plus important, l’indispensable restait à faire. Il ne concevait pas la vie qu’il avait mené jusque-là : dans la clandestinité, sans papiers. Il poursuivait ses études (Plan A). En même temps il avait préparé un plan B, à mettre en exécution en cas de mauvaise nouvelle : aller se reposer, une fois pour toute. C’est effectivement ce qu’il a fait. On se rappelle aussi le jeune gambien de vingt-deux ans, Amadou Jawo qui s’était ôté la vie par pendaison dans son domicile en province de Taranto, au Sud d’Italie le 17 octobre dernier pour des raisons pareilles.
La mort de Jerry Prince, un mort de trop pour le Decreto Sicurezza
Ce suicide, l’énième du genre, donne raison à ceux qui dénoncent âprement le décret de sécurité ( Decreto Sicurezza) à peine voté en Italie et dont l’idéateur est le parti italien d’extrême droite-Lega Nord. Un décret qui fait de l’immigré le principal responsable de la crise italienne et des maux dont souffre la péninsule. Son leader, Matteo Salvini, Vice – premier Ministre et Ministre de l’Interieur, estime que les problèmes des italiens (encore faut-il définir qui est effectivement italien) passent au premier plan et que les étrangers doivent attendre une éventuelle aide chez eux et non venir en Italie. Conséquence, de nos jours l’Italie reconnait seulement l’asile politique, la protection humanitaire autrefois reconnue ne représentant plus qu’un lointain souvenir. De nos jours presque que tous ceux qui demandent refuge en Italie sont repoussés et contraints de quitter le territoire.
Le suicide de Jerry met de nouveau à nue le caractère inhumain et froid de ce décret dont les dégâts ne se comptent plus. Ils sont nombreux les immigrés de toutes les provenances, qui ont essuyé le même refus. D’aucuns vivotent dans la clandestinité en Italie, d’autres ont décidé de tenter leurs aventures ailleurs. Pour les plus fragiles comme Jerry et bien d’autres, la seule issue serait la fatalité du suicide et tout ceci, dans l’indifference totale du gouvernement italien
Par Prosper KENFACK
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